Une représentation fidèle de l'Antiquité

Point de vue historique

La fascination de l'histoire

Le roman historique a fait une première apparition remarquée au début du XIXe siècle en France, sous l'impulsion du romantisme et de la vogue sans précédent dont jouit alors Walter Scott. Il faudra attendre le déclin des courants réaliste et naturaliste pour que le genre refasse son apparition, durant la seconde moitié du siècle.

L'histoire et le XIXe siècle, pour en savoir plus...

Ce goût et cette curiosité pour la civilisation antique se manifestent à l'époque par un enthousiasme pour les voyages. En effet, Sienkiewicz a beaucoup voyagé: né en Pologne en 1846, il parcourt l'Amérique, l'Egypte et fait de nombreux séjours en Europe occidentale, notamment en France et en Italie. Il a d'ailleurs écrit une grande partie de Quo Vadis ? à Saint-Maur, près de Paris, et en Bretagne. L'anecdote veut que l'idée du roman ait mûri au cours d'un séjour à Rome : l'imagination de Sienkiewicz est frappée par la vue de la chapelle de « Quo Vadis ? ». Il s'agit de la petite chapelle romaine de Santa Maria delle Piante, située près de la porte Capène,où selon la légende, le Christ serait apparu à Saint Pierre fuyant Rome en feu. (Photo de la chapelle ici) C'est dans ce lieu que se réunissaient les nationalistes polonais exilés, à qui l'on doit l'interrogation « Où vas-tu, Pologne ? ». Sienkiewicz a fait plusieurs voyages à Rome ; il raconte la genèse de Quo Vadis ? dans une de ses lettres adressées à Boyer d'Agen :

« Le célèbre polonais Siemiradzki, qui de ce temps habitait Rome, me servait de guide dans la Ville Eternelle et me fit voir pendant une de nos excursions, la chapelle de « Quo Vadis». C'est alors que je conçus l'idée d'écrire un roman de cette époque note 1. »

Sienkiewicz apparaît comme un écrivain consciencieux, dans la mesure où il acquiert une connaissance approfondie des lieux qu'il va dépeindre dans son roman. Il affirme dans un entretien avec W.Karczewski publié dans le journal Kraj :

« Je mène consciencieusement les préparatifs de Quo Vadis, je connais Rome avec précision. Il est vrai que je pensais situer l'action en Palestine, mais la visite détaillée de lieux que je ne connais pas me prendrait trop de temps et d'argent. D'ailleurs, Rome répond parfaitement à mes buts. J'étudie Tacite da capo et j'ai, en outre, quasiment feuilleté une bibliothèque d'oeuvres concernant le Ier siècle après J.-C note 2 . »

Non seulement Sienkiewicz se révèle être un fin connaisseur des lieux de l'Antiquité mais il est aussi un écrivain d'une grande culture classique. C'est ainsi que Quo Vadis ? a été écrit après une longue imprégnation des lieux géographiques de la Rome antique, mais aussi après de nombreuses recherches intellectuelles dans le domaine de l'histoire et de l'archéologie romaines. Tout d'abord, il faut souligner que Sienkiewicz a fait des études d'histoire et de littérature à la faculté de Varsovie avant de se consacrer entièrement à l'écriture de ses romans. Nous percevons déjà nettement dans tout ce qu'il a publié son goût marqué pour l'histoire, et particulièrement pour celle de la Pologne. Son penchant pour l'histoire de l'Antiquité est né principalement de ses lectures de l'historien latin Tacite qui semble être depuis longtemps son auteur de prédilection. Dans une lettre qu'il adresse à Ange Galdemar à propos de la genèse de Quo Vadis ?, il avoue son goût pour la littérature latine :

« J'avais l'habitude, depuis plusieurs années, de lire les historiens latins avant de m'endormir. C'était tant à cause de l'histoire qui, par elle-même, m'intéressait au plus haut degré, que par égard pour le latin que je ne voulais pas oublier. Cette habitude m'a permis de lire les auteurs en prose comme les poètes avec toujours moins de difficulté, et a éveillé en moi un amour toujours croissant pour le monde antique. Tacite m'attire le plus comme historien. [...] A mon retour à Varsovie, j'ai commencé mes études historiques et avec elles a grandi l'amour du sujetnote 3 . »

Il est incontestable que Sienkiewicz s'est beaucoup documenté : il a lu, comme nous venons de le voir, les grands historiens latins, mais il a aussi consulté les travaux récents d'historiens et d'archéologues français. Il s'intéresse à tous les écrits historiques traitant du siècle de Néron, puisant son inspiration aussi bien chez les auteurs anciens que chez les modernes. Il est à remarquer qu'en France, de nombreux écrivains et critiques littéraires ont reproché à Sienkiewicz d'avoir plagié les grands auteurs français qui avaient traité de l'Antiquité avant lui. Dans une lettre à Kozakiewicz (l'un des traducteurs en français de Quo Vadis ?), il répond aux accusations de plagiat dont il est victime et annonce ouvertement quelles ont été ses sources :

« Il en est autrement de L'Antéchrist, de Renan. Quo Vadis n'en est ni la réduction ni l'imitation, mais L'Antéchrist est un document historique capital, et bien sot serait un romancier qui, parlant des temps néroniens, ne profiterait pas de cet ouvrage, comme de Tacite, de Suétone, de Dion Cassius, etc. ! [...] II est certain qu'en écrivant Quo Vadis, j'ai profité de divers ouvrages français de Beulé, de Fustel de Coulanges, de Baudrillart, de Boissier et d'Allart, tout comme des ouvrages allemands, anglais et surtout latins. Mais c'est, je crois, mon droit, comme celui de tout romanciernote 4 . »

Certains critiques ont qualifié Sienkiewicz de véritable historien et ont loué sa méthode réaliste. C'est le cas d'Edmond Lemaigre, qui, dans un article de La Nouvelle Revue, a reconnu les efforts de documentation de Sienkiewicz, en affirmant que « [l']auteur a mis une conscience admirable à recueillir, sur la période qu'il nous présente, les renseignements les plus minutieusement exacts et les plus rares, jusqu'aux plus communs note 5 ». Cette préparation exhaustive a donc permis à Sienkiewicz de produire une oeuvre romanesque qui possède de nombreux référents dans la réalité. Grâce à sa connaissance de l'Antiquité, l'auteur va pouvoir recréer un monde et donner l'illusion que le roman se déroule sous le siècle de Néron.

Biographie

Contexte

Réception

Traduction

Etude

  1. Représentation fidèle de l'Antiquité
    1. Point de vue historique
      1. La fascination de l'histoire
      2. L'exactitude historique
    2. Point de vue géographique
      1. L'espace extérieur
      2. L'espace intérieur
    3. Point de vue socioculturel
      1. La couleur locale
      2. Les moeurs
  2. Poétique de la restitution
    1. L'imagination créatrice
      1. Imbrication fiction/histoire
      2. La réécriture
    2. Un roman à multiples facettes
      1. Une représentation théâtrale
      2. Un mélange de tonalités
    3. Un oeuvre picturale
      1. Le jeu des couleurs
      2. La puissance d'évocation
  3. Antiquité et actualité
    1. La Pologne
      1. Symbolique de la Pologne opprimée
      2. Patriotisme et espoir
    2. La France
      1. Esprit français de Sienkiewicz
      2. Reflet d'un siècle finissant
    3. La question religieuse
      1. Un problème religieux actuel
      2. Réhabilitation du sentiment religieux